Parce que la maladie de Morgellons associe de fortes émotions personnelles à un manque persistant de preuves médicales solides, elle continue de susciter de profondes divisions entre patients et professionnels de santé. Plusieurs symptômes pénibles, notamment des démangeaisons persistantes, des picotements et des fourmillements, mais surtout l’apparition de filaments colorés semblant émerger ou se déplacer sous la peau, ont été initialement signalés par des patients américains en 2002.

Ces filaments, souvent rouges, blancs, noirs ou bleus, ne sont pas retrouvés en dermatologie traditionnelle. Cependant, lorsqu’ils sont examinés en laboratoire, ils se révèlent généralement être des fragments de coton, de cellulose ou de fibres textiles, probablement apportés par un grattage obsessionnel. Par conséquent, la sensation obsessionnelle de la présence du matériau – qui peut parfois être si forte qu’elle bouleverse totalement la vie du patient – semble être le problème plutôt que le matériau lui-même.
Maladie des Morgellons – Informations clés
Élément | Détail |
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Nom | Maladie des Morgellons |
Symptômes principaux | Démangeaisons, picotements, rougeurs, filaments sous la peau |
Apparition | Début des signalements modernes en 2002 (États-Unis) |
Profil courant | Femme d’âge moyen, souvent propriétaire d’animaux |
Caractère visible | Filaments colorés (bleus, noirs, rouges, blancs) dans ou sous la peau |
Théories non scientifiques | Parasites, chemtrails, météorites, agents extraterrestres |
Hypothèse médicale dominante | Délire d’infestation, trouble psychiatrique de type Ekbom |
Hypothèse alternative | Infection bactérienne du type Borrelia (maladie de Lyme) |
Diagnostic recommandé | Exclusion des causes parasitaires, dermatologiques et neurologiques |
Traitement suggéré | Antipsychotiques de deuxième génération (faibles doses) |
Source scientifique principale | Dr James H. Diaz, Louisiana State University |
Référence |
Une femme d’âge moyen atteinte de Morgellons est souvent isolée socialement et est parfois accompagnée d’un proche qui présente les mêmes symptômes. Les hypothèses psychogènes sont alimentées par ce phénomène d’influence mutuelle. Les psychiatres évoquent ensuite un délire fréquent d’infestation, un mécanisme largement étudié au sein de certaines familles ou de certains couples.
Malgré des examens médicaux de routine, les personnes atteintes de ce trouble – également appelé syndrome d’Ekbom – se croient infestées de parasites invisibles. Certains trouvent cette idée intolérable. Dans une vidéo émouvante, par exemple, une patiente nommée Muriel, expatriée en Australie, décrit comment elle sent des organismes microscopiques creuser des tunnels sous sa peau. « Des entités intelligentes qui échappent au diagnostic », dit-elle.
D’autres évoquent les « chemtrails » – ces traînées d’avion qui, selon les théories du complot, libèrent des produits chimiques dans l’atmosphère – comme Séverine, qui vit dans le sud de la France. Elle accuse l’aviation civile de rejeter volontairement des substances toxiques dans la population, affirmant retrouver sous sa peau les mêmes fibres qu’elle récolte dans son jardin.
Ces témoignages montrent clairement que l’étiologie de la maladie va au-delà du physique. Il existe un besoin d’être entendu, cru et reconnu, ainsi qu’une charge émotionnelle. L’approche clinique traditionnelle, qui ne prend en compte que les résultats d’examens et les procédures médicales standardisées, ignore souvent cette dimension humaine.
Le rejet des diagnostics psychiatriques est alimenté par ce décalage entre la douleur exprimée et les preuves. Cette étiquette est perçue comme une double peine par certains patients. On leur dit que la souffrance qu’ils ressentent déjà est irréelle. D’après des dossiers médicaux cités par le professeur James H. Diaz, cette injustice perçue peut devenir si accablante qu’un patient a même tenté de tuer son médecin.
D’après une étude particulièrement éclairante, les symptômes des Morgellons indiquent presque toujours un délire d’infestation après exclusion de toute cause neurologique, médicamenteuse ou parasitaire. La sensation d’être rongé de l’intérieur est l’un des symptômes que les antipsychotiques de deuxième génération sont remarquablement efficaces pour soulager lorsqu’ils sont pris à petites doses quotidiennes, poursuit-il.
Bien que scientifiquement prouvée, cette solution médicamenteuse ne suffit pas à convaincre les patients. La souffrance qu’ils décrivent est réelle, persistante et altère souvent gravement leur qualité de vie. Un simple diagnostic de santé mentale ne suffit pas à la faire disparaître. Ce constat nous incite à penser différemment : traiter sans étiqueter trop vite, écouter sans juger et créer un pont entre la science et l’humanité.
Un petit nombre de chercheurs spéculent sur un lien possible entre les Morgellons et la maladie de Lyme, causée par une bactérie du genre Borrelia. Malgré le manque de preuves, des laboratoires indépendants continuent d’explorer cette piste. Le problème est que les théoriciens du complot prennent souvent à cœur ces recherches parallèles, les considérant comme la preuve d’une dissimulation massive.
L’aveu public des Morgellons par l’artiste Joni Mitchell a contribué à sensibiliser davantage certaines populations à cette maladie. La maladie reste une zone grise, ni entièrement somatique ni entièrement psychiatrique, car aucune preuve scientifique n’a été apportée pour étayer une origine infectieuse crédible, malgré son témoignage poignant.
Compte tenu de cette ambiguïté, les soins intégratifs semblent être la stratégie la plus prometteuse. Dermatologues, psychiatres, psychologues et thérapeutes peuvent collaborer pour offrir des soins complets qui respectent l’expérience unique de chaque patient.
Nous ouvrons la voie à une médecine plus humaine en abordant la maladie de Morgellons comme un appel à la compréhension de la souffrance moderne plutôt que comme une énigme à résoudre. Une médecine qui reconnaît que certaines douleurs ne peuvent être soulagées par une analyse sanguine ou un diagnostic catégorique, et que la frontière entre le corps et l’esprit est parfois plus perméable qu’on ne le pense.