Le discours de Robert Badinter a transpercé l’Assemblée le 17 septembre 1981, dans une salle tendue, avec une détermination presque tangible. Il récitait un serment moral, et non un simple discours. Cet acte capital a conduit à l’abolition de la peine de mort en France en moins d’un mois. Ce changement extraordinaire résultait d’une conviction profonde, nourrie par l’expérience brutalement intime d’un avocat face à la guillotine, et non d’une mode passagère.

Robert Badinter était présent lors de l’exécution de Roger Bontems, son client, aux premières heures froides du 28 novembre 1972. Ce fut un changement radical plutôt qu’un simple tournant. Il s’agissait désormais d’une blessure vive plutôt que d’une position académique ou philosophique. Il était un homme transformé à sa sortie de prison, animé par le désir de mettre fin à une coutume qu’il jugeait désuète et sauvage. L’un des procès les plus célèbres de la Ve République résulta de ce changement d’orientation.
Informations clés sur l’abolition de la peine de mort en France
Élément | Détail |
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Date de l’abolition | 9 octobre 1981 |
Instigateur principal | Robert Badinter |
Poste à l’époque | Ministre de la Justice sous François Mitterrand |
Moment clé | Discours du 17 septembre 1981 à l’Assemblée nationale |
Dernière exécution en France | Hamida Djandoubi, le 10 septembre 1977 |
Résistance populaire | Environ 60 % des Français encore favorables à la peine de mort en 1981 |
Appuis médiatiques | Ouest-France, François-Régis Hutin, presse abolitionniste |
Référence officielle | Ministère de la Justice : www.justice.gouv.fr |
Impact à long terme | Lancement d’un mouvement abolitionniste universel depuis la France |
Hommage national | Entrée au Panthéon de Robert Badinter prévue le 9 octobre 2025 |
Le langage de Badinter était d’une clarté exceptionnelle et il savait convaincre par le raisonnement et l’émotion. Il ne se moquait pas de ses rivaux. Après les avoir écoutés, il s’efforçait soigneusement de dissiper leurs inquiétudes profondes. Il soulignait également que la justice peut souvent se tromper et qu’une condamnation irrévocable dans un système imparfait n’est rien de moins qu’une tragédie en devenir. Ses déclarations ont permis à la société de prendre conscience du désarroi qu’elle suscite face à ses propres incohérences.
Le gouvernement de François Mitterrand a maintenu la peine de mort malgré un soutien majoritaire, les sondages de l’époque affichant un soutien proche de 60 %. Cette réforme avait été une question d’honneur pour le président fraîchement élu. L’un des facteurs clés fut son soutien indéfectible à Badinter malgré les conflits internes. Ensemble, ils ont démontré que la politique pouvait être motivée par plus que de simples calculs électoraux ; elle pouvait aussi être motivée par des principes.
La presse a été particulièrement utile dans ce tournant historique, même en dehors de la sphère politique. Sous la direction de François-Régis Hutin, Ouest-France a publié un grand nombre de reportages, de points de vue et d’éditoriaux. Les médias ont progressivement modifié la perception du public en attirant l’attention sur les injustices et en donnant la parole à ceux qui avaient été lésés par une justice expéditive.
De plus, la présence de Victor Hugo planait inévitablement sur ce débat. L’auteur du Dernier Jour d’un condamné, que Badinter admirait, avait condamné la dureté de la peine capitale un siècle auparavant. Ce lien littéraire a élargi le champ de la réflexion au-delà du cadre strictement juridique et a contribué à ancrer le débat dans une tradition humaniste.
La France a adopté la position courageuse, mais essentielle, de suivre les mouvements abolitionnistes à travers le monde. Peu de pays importants avaient aboli la peine de mort à l’époque. Cependant, en empruntant cette voie, elle a créé une brèche. Cet arrêt a inspiré de nombreuses nations, notamment grâce aux efforts diplomatiques persistants de Robert Badinter en faveur de l’abolition universelle.
Son influence a été particulièrement inventive à cet égard. Il a collaboré avec des dirigeants internationaux dans les domaines de la justice et des droits humains, rencontrant des célébrités telles que l’actrice Susan Sarandon, en campagne aux États-Unis suite à sa performance dans La Dernière Marche, et le pape Jean-Paul II. Badinter a transformé la discussion en un effort collectif en liant la cause française aux conflits mondiaux.
La date du 9 octobre 2025, date de son admission prochaine au Panthéon, est plus qu’un simple événement solennel. Ce combat est inscrit dans la mémoire des Français. Elle rappelle que les progrès significatifs ne sont souvent ni rapides ni faciles, surtout en matière de droits humains. Ceux-ci exigent ténacité, courage et capacité à s’exprimer rationnellement face à l’émotion.
Même si la peine de mort est encore appliquée dans certains pays, notamment en Chine, en Iran et en Arabie saoudite, la lutte pour son abolition à l’échelle mondiale reste d’une actualité tragique. Il arrive que, pour des infractions mineures, des exécutions soient menées en secret, sans procès équitable. La voix de Badinter reste puissante et essentielle dans ce contexte.
Le système juridique français a profondément évolué depuis l’introduction de cette loi. Elle a donné une nouvelle importance aux notions de dignité humaine et de réhabilitation. Bien que toujours sujet à critiques, le système pénitentiaire a évolué vers des formes de discipline plus humaines et privilégie désormais la réhabilitation aux sanctions arbitraires.